BMW M535i E28

BMW M535i E28

3 novembre 2012 0 Par Steve Jolibois

Usurpation d’identité.

C’est en 1972 qu’est née la série 5 sous le nom de code E12. En 1981, la seconde génération (E28) lui succède et rencontre un vif succès grâce à une gamme très étendue et au lancement du premier diesel BMW. Si la diésélisation est en marche, les gros rouleurs apprécient les performances de la 528 i aux 6 cylindres de 184 chevaux. Ainsi motorisée, elle abat le kilomètre départ arrêté en 29,8 secondes et revendique une vitesse maxi de 213 km/h. Malheureusement, en 1984 le tableau se noircit. La concurrence est de plus en plus arrogante et les acheteurs ont soif de performance. Ses rivales directes (Audi 200 quattro 182 cv et Mercedes 190 2.3 16 soupapes de 185 chevaux) sont aussi puissantes mais leurs Cx plus favorable leurs permettent d’atteindre le chiffre magique des 230 km/h. Les dirigeants de BMW ne mettent pas longtemps à comprendre que la 528 i n’est plus dans le coup et qu’ils se doivent de réagir. Si le projet de mettre le moteur 24 soupapes de la M 635 CSi est dans les cartons, son prix de vente ne l’aurait pas rendu compétitive.

Texte et photos : Steve Jolibois.

Fidèle à leur réputation, les ingénieurs BMW présentent alors la M 535 i qui n’est pas la première du nom. En effet, c’est l’E12 qui inaugure cette appellation en 1980 pour obtenir par la suite les homologations qui permettront à BMW de participer aux épreuves internationales de voiture de tourisme. Avec le moteur de la 3.0 CSi et une suspension revue, elle est une redoutable berline. Avec sa ligne vieillissante (Cx de 0.38), la E28 n’a d’autre alternative que de se sur-motoriser pour rejoindre le club fermé des 230 km/h. Reprenant le moteur 12 soupapes de la 735 i et 635 CSi, elle revendique 218 chevaux à 5200 tr/mn pour un couple de 31,6 mkg à 4000 tr/mn. L’injection Bosch L-Jectronic est remplacée par une Motronic plus élaborée et moins gourmande en carburant.

Au premier contact avec la M 535 i, sa carrosserie ne trompe pas et une forte impression de puissance et d’agressivité s’en dégage. Dire qu’elle est belle, serait mentir. Son kit aérodynamique (spoiler, extensions d’aile et bas de caisse) alourdit sa ligne mais cette tenue de sport lui permet de gagner un point de Cx (0,37). Le département Motorsport signe cette réalisation par un logo M sur la calandre. Les jantes Hartge de notre modèle renforcent l’agressivité et permettent l’adoption de pneumatiques plus performants en 205/55/16 et surtout moins onéreux que les antiques TRX d’origine.

A l’ouverture de la portière, pas de surprise, les grands panneaux de porte rappellent que sa conception est d’une autre époque et que l’habitabilité est moindre par rapport aux séries 5 actuelles. Les magnifiques sièges Recaro siglés M vous accueillent avec fermeté et offrent un maintien latéral que certaine GT lui envie. Leurs réglages sont multiples et permettent ainsi de trouver une position parfaite face à la planche de bord. En effet, son cintre offre une vision parfaite de l’instrumentation et son volant M-technic 1 permettent de faire corps avec la voiture. Le compteur est un modèle de clarté : il affiche jusqu’à 260 km/h et le compte tour finit sa zone rouge à 7000 tr/mn. Comme la M5, la M535 i ne bénéficie pas d’indicateur de température d’huile mais d’un économètre. Si cet équipement était une aberration à l’époque, aujourd’hui, avec la hausse du prix du carburant, il est appréciable de pouvoir contrôler sa consommation. L’ordinateur de bord II (de série) complète l’équipement ainsi que la climatisation, les vitres et rétroviseurs électriques. Les sièges arrières sont particulièrement confortables à deux et un cinquième passager y trouvera sa place sans aucun souci.

Tourné la clé de contact dans une vielle BMW 6 cylindres est toujours un plaisir. Le moteur s’anime avant de laisser l’échappement (double sorties) faire entendre un bruit sourd en se calant sur un ralenti imperturbable. A ce moment (les utilisateurs comprendront) une envie d’entrouvrir la vitre vous prend pour en profiter pleinement. La pédale d’embrayage n’est pas des plus souple et l’enclenchement de la première en bas à gauche est du plus inhabituel, tout autant que sa fermeté. Si la composition de la grille déroute au début, elle devient très agréable avec l’habitude et le passage des rapports supérieurs se fait avec rapidité. Le couple permet de mettre en mouvement avec aisance les 1390 kg (à vide) de la série 5 et n’impose pas de prendre des tours pour suivre le flot de la circulation parisienne. Le moteur type M30B34 offre une cylindrée de 3430 cm3 qui cache bien son jeu. Tout d’abord, il surprend par sa souplesse. Du ralentie, en troisième, il repart sans à-coups avant de vous infliger une poussée franche à partir 4000 tours. A ce moment l’aiguille du compte tour s’envole vers la zone rouge et l’échappement change de registre, en délivrant une sonorité métallique. Je me souviens qu’un journaliste d’option auto avait écrit, “Un six cylindre BMW au ralenti c’est du velours ; à 6000 tours c’est du velours que l’on déchire”. Si le plaisir est intense, il ne faut pas perdre de vue que le compteur monte rapidement et que votre permis risque de s’alléger aussi vite que le réservoir se vide….

En effet, si le 0 à 100 est couvert en 7,1 secondes et le mille mètre DA en 27,9 secondes, les consommations (16 litres en ville, 9,3 en hors agglomération et 7,3 à 90 km/h) viendront à bout des 70 litres en moins de 450 kms. De plus, la sensation de vitesse est gommée par un habitacle très bien insonorisé et les bruits aérodynamiques sont limités. Le châssis revu par les ateliers M est à la hauteur des attentes d’une voiture de cette puissance même si son terrain de prédilection reste l’autoroute. Les amortisseurs Bilstein combinés aux ressorts M-tecnik rivent la voiture au sol et permettent de s’aventurer sans arrière pensée dans les virages serrés du réseau secondaire. Comme toute BMW de cette époque, la M535 i incite à être vigilant lors des gros appuis et plus encore dès les premières gouttes de pluie. Les Michelin primacy HP limitent les pertes d’adhérences et l’autobloquant taré à 25 % permet d’entretenir les dérives. Le freinage ne pose aucun souci mais l’assistance d’une autre époque impose une forte pression pour faire fonctionner les 4 disques.

Conclusion : Cette M535 i usurpât-elle vraiment l’identité M ?

A vrai dire oui et non. Sa robe, sa polyvalence et son caractère sportif portent bien l’empreinte M et ils feront école pour les versions qui suivront. Malheureusement, son 6 cylindres, certes mélodieux, n’a pas la hargne et le bruit de son frère à 24 soupapes que proposait la M5 et cela pèse lourd dans le cœur des puristes. De plus, son prix de 246.000 francs et sa vignette de 20cv freinera les ardeurs des acheteurs.

Aujourd’hui :
La M535i reste une fabuleuse voiture avec laquelle entreprendre de long trajet ne pose aucun souci. Si la consommation peut rebuter, le plaisir qu’elle distille permet de s’évader dans un monde où performance et vitesse n’étaient pas taboues. Avec notre réseau saturé par un nombre croissant de voitures et radars qui veillent à nos moindres écarts, mon choix se porterait sur une M535i à boite automatique pour cruiser le coude à la portière. La M5 E28 étant privée de cette boite, seul la M535 i peut offrir cet agrément aujourd’hui.

Un grand merci à Monsieur Bogud pour le prêt de sa M535i qu’il a acheté neuve et doté de jantes Hartge avant sa sortie de concession. Quand on M !…

Texte et Photos: Steve Jolibois

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